Épargne, Placer son argent

Le fond en euros de l’assurance-vie est-il vraiment garanti?

Toute personne ayant une assurance-vie a entendu parler du « fonds en euros ». C’est LE support garanti qui permet à l’investisseur d’avoir un rendement correct sans aucun risque de perte. Chaque contrat a le sien et les établissements rivalisent chaque année afin de proposer le meilleur rendement sur le fonds euros de son assurance-vie. Ce fonds en euros est-il vraiment garanti? Comment fait l’assureur pour nous proposer un taux, certes modeste, mais sans risque aucun? Des questions que l’on se pose quand on est novice en finance avec les rendements annoncés récemment pour 2024 qui passent sous la barre des 2%, une rentabilité sur les fonds en euros en chute libre depuis quelques années et les médias qui nous annoncent que « la période de baisse des taux qui était favorable au fonds en euros est terminée ». On se propose de vous expliquer de façon simple comment fait l’assureur pour garantir votre capital afin que vous puissiez juger de vous même si ce support est sécurisé totalement ou non.

Que fait l’assureur avec les sommes placées en assurance-vie sur le fonds en euros?

Pour faciliter la compréhension, on va imaginer que vous êtes l’assureur ou la banque qui propose le contrat d’assurance-vie. Vos clients viennent vous voir, ouvre des contrats chez vous et placent leur argent sur votre fonds en euros. Vous expliquez à vos clients que leur argent est garanti sur le fonds euros, ils ne pourront jamais le perdre! Vous vous retrouvez donc avec des millions d’euros à votre disposition que vous pouvez utiliser comme bon vous semble. Afin de faire fructifier cet argent, vous allez le placer sur les marchés. Cependant vous avez promis à vos clients que l’assurance-vie est garantie pour la partie fonds en euros. De fait, vous allez investir massivement sur des produits sécurisés; principalement des obligations dont nous avions vu le foncionnement à travers le PEA et le Compte-titres. Avec plus de 80% investi sur des obligations émises par des Etats ou des sociétés privés, votre portefeuille est déjà très sécurisé mais la rémunération est limitée. En tant que banque/assurance, vous avez envie de faire des profits chaque année. Vous allez prendre un peu plus de risque avec 5 à 10% des sommes versées par vos clients sur le fonds en euros en investissant dans des actions (voir lien ci-dessus pour la définition). Une partie du portefeuille plus risquée sur laquelle vous pouvez perdre de l’argent mais qui offre un gain potentiel élevé avec la plus-value et les dividendes si la gestion se passe bien. Dans la même optique, une petite partie de votre gestion ira vers l’immobilier.
A ce stade, il est impossible de garantir totalement le fonds en euros à vos clients. Si demain les actions se portent mal (probabilité importante) et/ou si les obligations rencontrent un problème (probabilité faible), il sera impossible de rembourser vos clients. Il vous faut une seconde stratégie pour réussir à conserver la partie risquée investie en action qui rapporte tout en sécurisant la totalité de l’argent géré.

L’assureur fait des provisions en conservant une partie du rendement du fonds euros.

L’astuce est la suivante : vous allez constituer des provisions. En tant qu’assureur, l’argent des investisseurs que vous placez chaque année (obligations et un peu d’actions) vous rapporte de l’argent. Imaginons que la première année vous avez géré 10 000 000 € d’euros et que vos placements ont rapporté 3%. Vous vous retrouvez avec 300 000 € que vous devriez, en toute logique, reverser à vos clients au titre du rendement du fonds en euros. Vos investisseurs attendent une revalorisation de leur assurance-vie et il parait normal de leur verser le bénéfice financier de 3%.
Ce n’est pas ce qui se passe dans la réalité. Afin de se protéger d’un problème dans les années futures, vous allez en tant qu’assureur mettre de côté une partie des 300 000 €. Par exemple, vous allez décider arbitrairement de provisionner 30 000 € et de verser le solde aux souscripteurs des assurances-vies. Le rendement de votre fonds en euros annoncé sera de 2.7% et non de 3%. Les 30 000 € restent dans votre poche et vous pourrez les placer sur des supports sans risque. On distingue donc le bénéfice réalisé grâce au fonds en euros (ce que l’assureur a gagné avec l’épargne) et la participation aux bénéfice (la partie du bénéfice que l’assureur verse à ses clients après avoir conservé la provision). Si vous rencontrez un problème dans les années à venir en tant qu’assureur, notamment avec la faible partie des avoirs investis en action, vous avez votre provision disponible pour assurer la perte et garantir le capital de vos investisseurs.
Sachez que les assureurs ont le droit de garder jusqu’à 15% des gains qu’ils réalisent avec l’épargne investie sur le fonds en euros. Ils peuvent conserver cette provision pendant 8 ans maximum. Dans notre exemple, vous pourriez conserver jusqu’à 45 000 € et réitérer la chose année après année. Au bout de 8 ans, vous avez ainsi accumulé plus de 360 000 €. De quoi assurer une garantie à vos souscripteurs du fonds en euros. Imaginons un scénario catastrophe ou demain vos investissements actions s’effondrent. Votre rendement du fonds en euros est dans le négatif, chose impossible à annoncer puisque vous avez garanti le capital. Vous allez piocher dans vos provisions de 360 000 € afin d’assurer une participation aux bénéfices minimum (ou au pire un taux à 0%) à vos souscripteurs. Avec cette double stratégie (plus de 80% de l’investissement sécurisé + accumulation de provisions), vous pouvez assurer en tant que vendeur d’assurance-vie que votre fonds en euros est un placement garanti.

Les assureurs ont-ils assez de provisions pour garantir le fonds euros en assurance-vie?

La théorie étant acquise, passons maintenant à ce qui se passe dans la pratique. Les établissements de crédits ont-ils tous gardé chaque année le maximum de provisions (15%)?  Vont-ils vraiment le conserver pendant 8 ans? 
Dans la réalité, les assureurs ont tous un double objectif :
1) avoir un rendement du fonds en euros correct vis-à-vis des concurrents afin d’attirer de nouveaux souscripteurs;
2) conserver un maximum de provisions pour avoir de l’argent à capitaliser. 
Ces deux stratégies visent à l’objectif logique commun à toute les compagnies : avoir un maximum d’épargne à gérer. Elle cherche à garder un maximum des sommes investies tout en attirant de nouveaux souscripteurs.
Chaque début d’année, c’est le grand dilemme pour les gestionnaires d’assurance-vie : faut-il faire des provisions et avoir un fonds en euros peu attractif ou faut-il reverser un maximum aux clients ce qui permettra d’annoncer un rendement du fonds euros meilleur que la concurrence? Dans la réalité, les établissements vont annoncer un premier rendement estimé du fonds en euros en janvier. Par exemple, la banque A annonce une participation aux bénéfices de 2.2%, la banque B 1.8% et la banque C 3.5%. Une fois que les compagnies connaissent la participation aux bénéfices estimées de la concurrence, des ajustements s’appliquent. La banque B se dit qu’elle est dernière et qu’un taux trop faible aura un effet négatif sur l’acquisition de nouveaux clients. Elle choisi de verser un peu plus aux souscripteurs et sacrifie ses provisions pour proposer une participation aux bénéfices finale de 2.3% en février. La banque C voit qu’elle est la meilleure. Elle va alors choisir de provisionner un maximum (autant garder l’argent que le verser à ses clients) et son rendement final annoncé en février sera ajusté à 3.1%.
La provision a été créé pour protéger les investisseurs et garantir le capital mais dans les faits, elle sert d’outil stratégique aux banques et assurances. Un effet qui peut-être négatif pour le client puisque son gestionnaire cherche à lui verser le moins possible tout en restant bien positionné par rapport à la concurrence. Les provisions acquises sont très différentes selon les établissements. Certains font le choix d’avoir peu de provisions et de reverser un maximum aux clients pour rester dans la course ou être très bien placé par rapport aux voisins. D’autres assureurs préfèrent provisionner un maximum. Cela leur permettra de communiquer sur la sécurité de leur fonds en euros (plus on a de provisions, plus on pourra être performant en cas problème) et de capitaliser sur ce qu’ils ont gardé. Une stratégie qui est, à juste titre, souvent mal vue par les clients…

Vais-je récupérer la provision en tant qu’investisseur assurance-vie sur le fonds en euros?

Si vous possédez une assurance-vie, vous êtes en train de vous poser la question. Grâce à vos sommes, l’assureur a réalisé 3% de rendement depuis des années mais il ne vous verse que 2.8%. Allez-vous récupérer les 0.2% de provisions qu’il a conservé chaque année? Hélas, la réponse ne va pas vous plaire…
Les provisions réalisées par l’assureur seront versées uniquement l’année où l’assureur choisi de le faire. Sa seule contrainte étant de les intégrer à la participation aux bénéfices dans les huit années à venir. Un décalage dans les temps qui pénalise les clients qui vont clôturer leur contrat et avantage ceux qui souscrivent au moment où les provisions sont importantes.
Supposons que vous avez versé 100 000 € en assurance-vie. La première année, l’assureur fait un excellent bénéfice technique de 3%. Les concurrents étant aux alentours de 2.5%, votre assureur choisit de provisionner le maximum (15%) et la participation aux bénéfices reversée aux clients n’est pas de 3% mais de 2.55%. L’assureur reste le meilleur sur le marché tout en gardant un maximum pour lui. Au lieu de percevoir 3 000 € d’intérêts sur votre contrat, vous recevez donc 2 550 € et la compagnie garde 450 € en provision pour sécuriser les années à venir. Ces 450 € peuvent rester dans la poche de l’assureur pendant 8 ans. Poussons à l’extrême et imaginons le même schéma les années suivantes. A chaque fois, l’assureur provisionne 15% (450 €) et vous verse seulement 2 550 € (85%). 
Sept ans après l’ouverture, vous avez besoin de trésorerie. L’assurance-vie et plus particulièrement le fonds en euros est un placement liquide; une demande de clôture et l’argent arrive sur votre compte. Vous vous rendez alors compte que l’assureur ne va pas vous verser les 450 € par an qu’il a gagné grâce à vous. Aucune régularisation n’est effectuée. A cause du décalage dans le temps, les provisions vous ont fait perdre 450 € * 7 = 3 150 €. Toute demande de rachat vient vous faire perdre la possibilité de récupérer vos provisions sur les participations aux bénéfices futures.
Mais alors, qui va récupérer ces 3 150 € acquis via votre épargne? Ce sont tout simplement les épargnants futurs. Imaginons que votre voisin ouvre une contrat d’assurance-vie chez cette même compagnie. Il place les sommes sur le fonds en euros. L’année suivante, l’assureur est obligé de restituer au moins les 15% qu’elle a provisionné il y’a 8 ans. La participation aux bénéfices versée à votre voisin comprendra en partie les bénéfices réalisés en année 8 et reversés par l’assureur mais aussi les provisions acquises en année 1 grâce à votre assurance-vie! Idem pour les années suivantes.
On comprend alors que la provision peut-être utilisée comme stratégie d’optimisation pour l’investisseur. Par exemple, il peut être judicieux de faire le choix d’ouvrir un nouveau contrat d’assurance-vie chez une compagnie qui a déjà des provisions importantes qu’elle devra nous reverser dans les années à venir. D’une autre manière, un rachat a tout intérêt à être réalisé chez une compagnie ayant peu de provisions plutôt que chez une autre qui en possède beaucoup. Cette variable n’est pas la seule à prendre en compte mais elle est souvent oubliée et peut jouer un rôle important sur la rentabilité future de vos contrats.

Il peut-être intéressant de s’attarder sur les provisions possédées par chaque assureur lorsqu’on étudie le marché de l’assurance-vie avant d’investir. Au-delà de cette aspect, les provisions permettent d’être certain que le fonds en euros est garanti et que la participation aux bénéfices sera au minimum de 0%. Malgré la période de baisse des taux (qui signifie que la partie investie en obligation par les assureurs rapporte moins) et le risque pris sur une petite partie de l’épargne investie en action, votre capital est garanti via les provisions réalisées sur les 8 dernières années. Nul doute qu’en cas de scénario catastrophe, les assureurs pourront assurer la garantie du capital au moins quelques années en utilisant les provisions. De quoi laisser le temps aux épargnants de récupérer leur capital si ils constatent que la compagnie n’a plus aucune provision.

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4 Commentaires
  1. GUILLIN JL

    Bonjour

    Sur mon avis de situation concernant mon assurance vie Banque postale CNP, j’ai deux chiffres
    Capital et versé. Je comprend que la différence correspond aux gains.
    Mais pourquoi la somme versée varie d’un avis de situation à l’autre alors que je ne verse plus un centime depuis 4 ans.
    Merci

    • Thibault Diringer - Corrigetonimpot

      Bonjour,
      Difficile de vous aider sans voir le relevé. Peut-être que « versé » correspond aux intérêts et ils changent d’une année à l’autre vu que les performances ne sont pas les mêmes.

  2. Corrige ton impôt

    Bonjour,
    Vous le retrouvez au fil de l’eau car l’assureur l’inclus dans son taux annuel. Cordialement.

  3. toto

    Désolé mais ce n’est pas très clair, et assez éloigné de ce qu’on veut comprendre;
    par exemple :
    – est-ce que si je reste plus de 8 ans : oui ou non je récupère 8 x 450 euros;
    – sous quel intitulé cela apparait;